En 1978, à douze ans, Juan Pérez fait une rencontre extraordinaire. Pourquoi avez-vous souhaité raconter son histoire ?Alan Stivelman : Le projet a démarré telle une quête personnelle, pour essayer de comprendre l’origine du phénomène ovni. Mais au fil du temps, remarquant la profonde tristesse de Juan, j’ai décidé de changer l’axe narratif, je voulais tenter de lui fournir des réponses, qu’il ait les outils nécessaires pour donner plus de sens à ce qu’il avait vécu à douze ans. Puis, pendant le tournage, Juan a fait des rêves précognitifs. J’ai alors découvert qu’il s’agissait de sa plus grande peur : il se sentait coupable des accidents survenus quelques jours après en avoir rêvé, et pensait en être la cause. Pour lui, dormir était de l’ordre de l’exploit, car il était toujours en alerte, craignant d’avoir une visite « extraterrestre » ou de vivre un rêve prémonitoire. Le film tente de dépeindre la solitude d’un homme, son âme « brisée », aspirant à des réponses. L’honnêteté de Juan nous fait sympathiser avec son histoire, donne envie de le serrer dans nos bras. C’est ce que j’ai ressenti lorsque je l’ai rencontré. J’espère que le film aidera ceux qui, même sans avoir vécu d’expériences de ce type, peuvent se sentir seuls, dans ce monde pourtant hyperconnecté.
M. Vallée, vous refusez habituellement de participer aux documentaires sur les ovnis. Quelles circonstances vous ont amené à vous intéresser à celui d’Alan Stivelman ?
Jacques Vallée : Les documentaires sont en général polarisés de manière assez primitive, du genre « Pour ou contre les ovnis ? », ce qui nous ramène 70 ans en arrière. Ils sont conçus comme des patchworks d’interviews individuelles diverses, où il est très difficile d’introduire une notion scientifique nouvelle ou de montrer en profondeur l’expérience d’un vrai témoin dans un cas extraordinaire, comme celui de Juan Pérez en 1978. Par contre, quand Alan m’a contacté en proposant de m’interviewer à San Francisco, il m’a expliqué que son film était entièrement consacré à Juan, que j’avais rencontré en Argentine en 1980, soit 36 ans auparavant, et qu’il avait retrouvé. Il cherchait donc une continuité dans le phénomène, comme moi.