À la fin du XIXe siècle, le guérisseur Philippe de Lyon aurait soigné des milliers de personnes, certaines condamnées par la médecine. Ami des souverains russes, menace pour le monde médical et l’État français, qui était cet homme aux dons exceptionnels ? Voici l’histoire du fascinant « Maître Philippe ».
Vers 1895, dans un hôtel particulier de Lyon, une centaine d’individus, tous âges et classes sociales confondus, sont amassés dans une salle meublée de longs bancs massifs. Ils viennent voir l’illustre guérisseur Philippe, dont la notoriété a traversé les frontières. Le Dr Gérard Encausse, plus connu sous le nom de Papus, est sur place et témoigne : une jeune mère tient dans ses bras son enfant de cinq ans, la tête ballante et les yeux vitreux. Les médecins confirment qu’il s’agit d’une méningite tuberculeuse, il n’a que quelques heures à vivre… « On peut guérir cet enfant ! », annonce alors Philippe. Puis il négocie, en contrepartie de cette guérison, que l’assemblée ne dise aucun mal de son prochain durant les deux prochaines heures. Après ce délai, Papus part chercher l’enfant se trouvant dans une autre pièce : « Je l’ai pris par la main et il a fait avec moi le tour de la salle ; il était guéri. » Il existe des centaines de témoignages comme celui-ci, sans compter les écrits de disciples, de proches, les comptes rendus de la police qui l’espionnait et du corps médical. Qui était donc ce mystérieux personnage qu’on surnomme « Maître Philippe » ? À première vue, un bourgeois de l’époque parmi tant d’autres : petit homme corpulent aux yeux bleus perçants, à la moustache épaisse et à la bonhomie contagieuse. D’après Serge Caillet, historien spécialiste de l’occultisme, « S’il avait l’air banal, en sa présence quelque chose se passait. Il tutoyait tout le monde et semblait connaître la vie de chacun, on avait l’impression qu’il regardait dans les âmes. Il avait un immense charisme tout en restant d’une grande simplicité. »
Un chemin prédestiné
Nizier Anthelme Philippe naît le 25 avril 1849 dans la commune de Loisieux (Savoie). Un détail surprenant : son père est prénommé Joseph et sa mère Marie. Il est raconté que la « pieuse Marie » s’est rendue, enceinte, auprès du curé d’Ars. Ce dernier aurait révélé à la jeune femme « que son fils serait un être très élevé ». L’enfance de Nizier est celle d’une famille paysanne pauvre de l’époque : il seconde ses parents aux travaux des champs, garde le troupeau, s’occupe de la fratrie dont il est l’aîné. Mais il se distingue par ses dons surprenants. Il semble que le petit garçon soulage les souffrances de ses semblables. Autre fait intriguant, d’après son frère, Auguste (Recueil de Papus), « un jour, [il] gardait les moutons pour mes parents, et puis on est parti jouer ensemble ; alors il a fait le tour du pré en traînant un bâton par terre et en disant “ils ne franchiront pas la trace que j’ai faite avec ce bâton”. » Et il en fut ainsi.